UN FILM DE QUALITE
La Maison dans la Dune
Un seul film nouveau cette semaine mais c'est un film français. Et de qualité.
L'histoire qu'il nous propose, d'après
un roman de Van Der Meersch, met aux
prises, à la frontière franco-belge, entre
Dunkerque et Furnes, tout un monde
de fraudeurs et de douaniers, dont
la vie, faite d'aventures quotidiennes
offre une matière cinématographique
particulièrement riche.
* * *
Ancien matelot, le Jeune et beau Sylvain
(Pierre-Richard Wilm) est un as
de la contrebande du tabac. Il vit maritalement,
depuis six ans, avec une ancienne
fille de brasserie, Germaine (Colette
Darfeuil), qui le gruge et le trompe,
et qu'il gâte, pourtant, du mieux
qu'il peut.
Cependant, un jour qu'il a "monté" en Belgique un chien de contrebande,
Sylvain, flânant au retour, le long des
canaux tranquilles s'arrête dans un petit
estaminet désert tenu par deux braves
vieux et leur nièce, la virginale
Pascaline (Madeleine Ozeray). Pascaline
est seule et le beau garçon éveille en
elle les sentiments les plus troublants.
Mais, restauré, Sylvain n'a qu'une hâte :
aller retrouver Germaine à laquelle il
avait donné rendez-vous, avec des amis,
dans la brasserie d'où il la tira.
Germaine (Colette Darfeuil) et Lourges (Thomy Bourdelle)
Ceci ne sera pas commode. Sylvain, en effet, pense à Pascaline beaucoup
plus qu'il ne le voudrait, et, l'ayant revue,
il s'est mis en tête d'abandonner
la contrebande et de retourner travailler
au port. Cela ne fait l'affaire ni
de Lourges qui, malgré les pièges tendus
par ses indicateurs, ne peut prendre
Sylvain en faute, ni de Germaine à
qui le travail régulier de son homme
rapporte beaucoup moins d'argent que
la fraude.
Thomy Bourdelle dans le personnage saisissant de l'inspecteur Lourges.
Le contrebandier a pour ennemi juré un douanier qu'incarne Thomy Bourdelle / Visages et Contes du Cinéma n°18 / 1937.
Quoi qu'il en soit, Sylvain s'enfuit dans la nuit pour tenter d'aller retrouver
Pascaline. Peine perdue. Alors il ira errer, durant deux jours, d'estaminet en estaminet, pour finalement revenir
auprès de Germaine, épuisé et
complètement démuni. Elle le reprend
sans peine et le décide à recommencer
la contrebande. Il accepte, mais à la condition que désormais elle l'aide. Le
résultat ne se fait pas attendre. Inexpérimentée,
Germaine se fait prendre par les douaniers. Mais Lourges qui
veillait toujours, intervient. Il fait
croire à Germaine que Sylvain l'a volontairement
compromise pour se débarrasser
d'elle. Folle de rage, elle s'abandonne
au policier et lui révèle l'endroit
où, chez lui, Sylvain cache le tabac
de contrebande.
et la puissante carrure de Bourdelle. Visages et Contes du Cinéma n°18 / 1937.
Lourges décide de
perquisitionner chez Sylvain. Mais celui-ci, sur ses gardes, ne se laisse pas
prendre, et il force Germaine à faire
elle-même flamber le tabac compromettant. Si bien que quand Lourges et les
gendarmes peuvent enfin entrer, il n'y
a plus que de la fumée. Mais ce n'est
que partie remise. Une fois de plus renseigné
par Germaine qui ne songe plus
maintenant qu'à se débarrasser de Sylvain
par tous les moyens.
Lourges, aidé
de ses hommes arrive, une nuit, à mettre
la main sur le contrebandier qui
travaillait à faire passer un chargement
complet de tabac. Lourges veut se payer
le luxe de mettre seul, personnellement,
les menottes à Sylvain. Celui-ci l'étend à terre d'un coup de poing. Lourges sort son revolver et tire. Sylvain,
atteint au ventre, trouve pourtant
la force de fuir. Il se dirigera, naturellement, vers le petit estaminet tranquille où dort la tendre Pascaline que Tom, le chien de contrebande, réveillera et
conduira au blessé. Et la pure jeune
fille relèvera celui-ci en lui disant tout
doucement :
— On peut toujours recommencer sa
vie...
* * *
Nous avons signalé au passage un
défaut grave de La Maison dans la
Dune. C'est le seul qui soit d'ordre
théâtral. Il y en d'autres qui tiennent
presque essentiellement à la lenteur de
l'ensemble, lenteur dont le metteur en
scène n'est peut-être pas tout à fait responsable. Il faut, croyons-nous, en
chercher la cause dans ce fait que le
scénario de La Maison dans la Dune
ne tourne pas autour d'un seul personnage central mais nous oblige à suivre
l'histoire simultanément de quatre personnages de premier plan. Et cela
rompt l'unité du spectacle.
Quoi qu'il en soit et malgré ses défauts,
La Maison dans la Dune est un film de haute valeur. Son metteur en
scène, M. Pierre Billon, dont c'est la
bande de début, y révèle des dons certains
de « photographe d'atmosphère »
et sa mise en place des personnages est
toujours visuelle. Son art s'apparente
très exactement, par là, à celui de Jacques
Feyder.
Quant à l'interprétation, qui est de
tout premier ordre, il faut ajouter, aux
noms déjà cités du romantique Pierre Richard
Wilm, de la délicieuse Madeleine Ozeray, de la piquante Colette
Darfeuil, de Thomy Bourdelle, qui a fait
ici la plus belle création sa carrière,
ceux d'Odette Talazac, de Rognoni,
d'Alexandre Rignault, de Robert Ozanne et de 'Raymond Cordy", légèrement sacrifiés.
La musique spécialement écrite par
Van Parys épouse toujours l'action
avec exactitude et discrétion.
Pour toutes ces raisons, La Maison
dans la Dune doit faire sur tous les
écrans de France une longue et fructueuse
carrière.
Marcel MARC.