vendredi 3 janvier 2025

La Maison Dans La Dune de Pierre Billon (1934).

UN FILM DE QUALITE 
 La Maison dans la Dune 

Un seul film nouveau cette semaine mais c'est un film français. Et de qualité.

L'histoire qu'il nous propose, d'après un roman de Van Der Meersch, met aux prises, à la frontière franco-belge, entre Dunkerque et Furnes, tout un monde de fraudeurs et de douaniers, dont la vie, faite d'aventures quotidiennes offre une matière cinématographique particulièrement riche.

* * *


Ancien matelot, le Jeune et beau Sylvain (Pierre-Richard Wilm) est un as de la contrebande du tabac. Il vit maritalement, depuis six ans, avec une ancienne fille de brasserie, Germaine (Colette Darfeuil), qui le gruge et le trompe, et qu'il gâte, pourtant, du mieux qu'il peut. 

Cependant, un jour qu'il a "monté" en Belgique un chien de contrebande, Sylvain, flânant au retour, le long des canaux tranquilles s'arrête dans un petit estaminet désert tenu par deux braves vieux et leur nièce, la virginale Pascaline (Madeleine Ozeray). Pascaline est seule et le beau garçon éveille en elle les sentiments les plus troublants. Mais, restauré, Sylvain n'a qu'une hâte : aller retrouver Germaine à laquelle il avait donné rendez-vous, avec des amis, dans la brasserie d'où il la tira.

Or, dans cette brasserie, Germaine a l'habitude de rencontrer depuis quelque temps un homme dont elle ignorait jusqu'alors le métier, et qui n'est autre que l'inspecteur Lourges (Thomy Bourdelle) de la police mobile. Renseignée, Germaine repousse les avances du « flic ». Il n'en faut pas plus, on s'en doute, pour que celui-ci jure de posséder la fille et, pour y arriver, de « faire » Sylvain.

Germaine (Colette Darfeuil) et Lourges (Thomy Bourdelle)

Ceci ne sera pas commode. Sylvain, en effet, pense à Pascaline beaucoup plus qu'il ne le voudrait, et, l'ayant revue, il s'est mis en tête d'abandonner la contrebande et de retourner travailler au port. Cela ne fait l'affaire ni de Lourges qui, malgré les pièges tendus par ses indicateurs, ne peut prendre Sylvain en faute, ni de Germaine à qui le travail régulier de son homme rapporte beaucoup moins d'argent que la fraude.

Thomy Bourdelle dans le personnage saisissant de l'inspecteur Lourges.

Mais Lourges, qui est décidé à tout pour arriver à ses fins, a découvert la liaison toute platonique de Sylvain avec Pascaline. Il en informe Germaine. Et, ici, se place le plus gros défaut du film. Un après-midi, en rentrant du travail, Sylvain se voit faire par Germaine la scène la plus affreuse qu'il pouvait imaginer. Elle lui dit qu'elle connaît son aventure avec Pascaline. Elle lui annonce qu'elle est allée à l'estaminet belge où elle a révélé à la petite le véritable métier de Sylvain en même temps qu'elle a étalé sa propre liaison avec l'ancien matelot. Certes, cette scène de haine et de passion entre Germaine et Sylvain est parfaitement menée, mais c'est du théâtre, et nous eussions préféré voir la scène précédente entre Germaine et Pascaline plutôt que de l'entendre raconter.

Le contrebandier a pour ennemi juré un douanier qu'incarne Thomy Bourdelle / Visages et Contes du Cinéma n°18 / 1937.

Quoi qu'il en soit, Sylvain s'enfuit dans la nuit pour tenter d'aller retrouver Pascaline. Peine perdue. Alors il ira errer, durant deux jours, d'estaminet en estaminet, pour finalement revenir auprès de Germaine, épuisé et complètement démuni. Elle le reprend sans peine et le décide à recommencer la contrebande. Il accepte, mais à la condition que désormais elle l'aide. Le résultat ne se fait pas attendre. Inexpérimentée, Germaine se fait prendre par les douaniers. Mais Lourges qui veillait toujours, intervient. Il fait croire à Germaine que Sylvain l'a volontairement compromise pour se débarrasser d'elle. Folle de rage, elle s'abandonne au policier et lui révèle l'endroit où, chez lui, Sylvain cache le tabac de contrebande. 

Le combat qui se prépare permet de comparer la fine et élégante robustesse de Pierre Richard-Willm, 
et la puissante carrure de Bourdelle. Visages et Contes du Cinéma n°18 / 1937.

Lourges décide de perquisitionner chez Sylvain. Mais celui-ci, sur ses gardes, ne se laisse pas prendre, et il force Germaine à faire elle-même flamber le tabac compromettant. Si bien que quand Lourges et les gendarmes peuvent enfin entrer, il n'y a plus que de la fumée. Mais ce n'est que partie remise. Une fois de plus renseigné par Germaine qui ne songe plus maintenant qu'à se débarrasser de Sylvain par tous les moyens. 



Lourges, aidé de ses hommes arrive, une nuit, à mettre la main sur le contrebandier qui travaillait à faire passer un chargement complet de tabac. Lourges veut se payer le luxe de mettre seul, personnellement, les menottes à Sylvain. Celui-ci l'étend à terre d'un coup de poing. Lourges sort son revolver et tire. Sylvain, atteint au ventre, trouve pourtant la force de fuir. Il se dirigera, naturellement, vers le petit estaminet tranquille où dort la tendre Pascaline que Tom, le chien de contrebande, réveillera et conduira au blessé. Et la pure jeune fille relèvera celui-ci en lui disant tout doucement : 
 — On peut toujours recommencer sa vie... 
 
* * *

Nous avons signalé au passage un défaut grave de La Maison dans la Dune. C'est le seul qui soit d'ordre théâtral. Il y en d'autres qui tiennent presque essentiellement à la lenteur de l'ensemble, lenteur dont le metteur en scène n'est peut-être pas tout à fait responsable. Il faut, croyons-nous, en chercher la cause dans ce fait que le scénario de La Maison dans la Dune ne tourne pas autour d'un seul personnage central mais nous oblige à suivre l'histoire simultanément de quatre personnages de premier plan. Et cela rompt l'unité du spectacle. 

Quoi qu'il en soit et malgré ses défauts, La Maison dans la Dune est un film de haute valeur. Son metteur en scène, M. Pierre Billon, dont c'est la bande de début, y révèle des dons certains de « photographe d'atmosphère » et sa mise en place des personnages est toujours visuelle. Son art s'apparente très exactement, par là, à celui de Jacques Feyder.

 Quant à l'interprétation, qui est de tout premier ordre, il faut ajouter, aux noms déjà cités du romantique Pierre Richard Wilm, de la délicieuse Madeleine Ozeray, de la piquante Colette Darfeuil, de Thomy Bourdelle, qui a fait ici la plus belle création sa carrière, ceux d'Odette Talazac, de Rognoni, d'Alexandre Rignault, de Robert Ozanne et de 'Raymond Cordy", légèrement sacrifiés. 

La musique spécialement écrite par Van Parys épouse toujours l'action avec exactitude et discrétion. Pour toutes ces raisons, La Maison dans la Dune doit faire sur tous les écrans de France une longue et fructueuse carrière.

Marcel MARC.

La Maison Dans La Dune de Pierre Billon (1934).

UN FILM DE QUALITE   La Maison dans la Dune  Un seul film nouveau cette semaine mais c'est un film français. Et de qualité. L'histoi...