DU SPORT A L'ECRAN
L'artiste Thomy Bourdelle doit ses galons de « star »
à l'athlétisme et au rugby
Un beau type de jeune premier sportif
Dans le succès considérable et mérité du film « Caïn », qui connaît une superbe carrière et où s'opposent harmonieusement la Nature et l'Homme, sans que celui-ci soit écrasé par celle-là, on n'a pas assez dit, que le protagoniste est des nôtres.
Thomy Bourdelle, en effet, est un sportif. Non point à la façon de tant d'artistes, pour qui la culture physique en chambre est suffisante étiquette : mais largement, sincèrement et de toujours..
Il fallait, pour ce rôle à vrai dire écrasant, un gaillard à la taille des Bancroft ou des Mac Laglen. II fallait, pour vivre nu sous un soleil infernal, pour résister à quarante-cinq degrés à l'ombre, pour lutter longuement contre un professionnel noir de Nossi-Bé, pour passer des heures et des heures sur une pirogue malgache ou dans les soutes d'un steamer, ce qu'on appelle, sur le rings, un « dur ».
Léon Poirier, en choisissant Thomy Bourdelle, eut la main heureuse...
En 1913, quand Géo André remportait ce concours de l'athlète complet mis sur pied par notre confrère « Le Journal », et, dont la finale fut en 1914, interrompue, par l'appel aux armes de l'Europe, Thomy Bourdelle était à quelques points seulement du meilleur « homme de décathlon » que nous ayons jamais possédé.
Au Parc Pommery, à Reims, dans cette merveilleuse réalisation sportive du Marquis de Polignac qu'était le collège d'athlètes, Thomy Bourdelle s'avérait l'un des meilleurs élèves du lieutenant Hébert... et un nudiste avant la lettre...
La tourmente passée, Thomy reprenait place dans un quinze de rugby du Racing Club de France. Il jouait tête de mêlée et savait se faire respecter, avec ses 1m85 et ses 90 kilos. Mais déjà, avec son ami Pierre Nay, le fils d'André Nox, lui-même rugger et artiste de talent, il « tournait » un peu. Rôles de bourreau, rôle de « vilain... »
Bien des adversaires crurent à ce moment-là, que c'était uniquement pour leur racler la figure en mêlée, que le brave Bourdelle arborait une barbe de huit jours! Ils ne pouvaient guère songer, sans doute, aux nécessités de l'écran !
Entre temps, Thomy servait de modèle bénévole à son oncle, le grand sculpteur Bourdelle: Ou, par jeu, il mettait les gants avec un autre sportif, devenu poids lourd et vedette, après une carrière de balle ovale : le magnanime Herzo.
Ces deux rudes batailleurs, — au demeurant amis sincères et même cœur d'or, — se retrouveront sans doute quelque jour dans un film de boxe... Et ça fera du poids sur le ring !
Plusieurs années de lutte courageuse, de persévérance tenace... voici Thomy lancé, bientôt célèbre ! Comme il nous le disait lui-même « C'est à la piste, c'est aux quatre-vingt minutes du rugby, que j'ai dû de savoir m'accrocher... mon « type», mon genre, mes rôles, le cinéma français, épris de jeunes premiers en sucre, ignorait ça.
Si j'avais lâché, eût-on songé seulement à Caïn, hier, aujourd'hui à « A mi-chemin du ciel », demain à... à l'avenir ?
C.-A. Gonnet.
L'Auto-vélo 21 Janvier 1931