lundi 26 février 2024

LES VACANCES DU DIABLE d'Alberto Cavalcanti / Ciné-Miroir, n°293, 14 novembre 1930.


FILM FRANÇAIS PARLANT 
RÉALISÉ PAR A. CAVALCANTI.
ÉDITÉ PAR PARAMOUNT. 

DISTRIBUTION 
Marcelle Chantal. Betty Williams.
Robert Hommet. Allan Stone.
Thomy Bourdelle. Mark Stone.
Maurice Schutz. David Stone.
Jacques Varennes Charles Thorne. 
Richard Wilm. Dr Reynolds. 

Elle possédait des intérêts dans une maison de couture où elle se rendait très souvent.


BETTY Williams était une charmante et jolie manucure attachée au salon de coiffure d'un grand hôtel. Mais, sous ces dehors de femme charmante et insouciante, elle cachait une âme forte et entreprenante. Sa grande ambition était de pouvoir réunir assez d'argent pour aller à Paris et s'y créer une situation indépendante. D'ailleurs, en plus de ses fonctions de manucure, Betty avait des intérêts dans un établissement de couture, et elle accroissait notablement ses revenus par les commissions qu'elle recevait des vendeurs auxquels elle procurait des clients. D'ailleurs, toutes les affaires de la jolie Betty étaient traitées sur des bases de la plus pure cordialité; jamais aucune affaire d'amour n'était intervenue dans sa vie et elle faisait preuve, vis-à-vis des hommes, d'une attitude très détachée. Elle avait coutume de dire en riant : 
— Oh ! les hommes, je les connais : moins on leur en accorde, plus on en obtient ! » 
 Un jour, un de ses camarades d'affaires, Thorne, désireux d'obtenir une commande, lui offrit un pourcentage exceptionnellement élevé. Comme elle s'en étonnait, il lui annonça qu'il s'agissait d'une grosse affaire. 
— Un certain Mark Stone, dit-il, fils du plus gros fermier en grains de la région, doit venir en ville, je veux lui vendre des machines agricoles. Il faut que vous m'aidiez à décrocher l'affaire ; elle sera, avec le pourcentage que je vous offre, aussi bonne pour vous que pour moi. 
Betty accepta cette offre. Mais, au lieu du Mark Stone attendu, ce fut son jeune frère Allan qui débarqua à la ville. Cet Allan était un jeune campagnard candide et naïf, il eut vite fait de tomber dans les filets de l'astucieuse Betty, et il accepta tout ce qu'elle voulut bien lui proposer ; il fit même plus, il en tomba follement amoureux. Mais les choses allaient se compliquer. Un vendeur concurrent, ayant appris les tractations de Betty, télégraphia au père d'Allan en le priant de venir immédiatement : 

Votre fils court un grand danger, venez immédiatement. 

Le père d'Allan Stone, ne pouvant se déplacer, envoya son fils aîné Mark pour mettre les choses au point. A peine arrivé, Mark se rendit chez le vendeur qui lui avait télégraphié. Celui-ci le mit au courant de la situation, et Mark sans hésiter, persuadé que son frère avait été le jouet de Betty, se rendit au magasin où elle travaillait. 

Avec grâce elle fit entrer ce visiteur qu'elle ne connaissait pas. 

Il eut avec elle une explication assez vive puis l'insulta grossièrement et satisfait sans doute de ce coup d'éclat, il revint près de son frère et ne lui mâcha pas ce qu'il pensait de Betty. 
— Tu n'as plus rien à faire ici, il faut revenir avec moi sans avoir revu cette femme. 

Marc arriva près d'Allan au moment précis où celui-ci téléphonait à Betty. 
Mais Allan ne l'entendait pas de cette oreille. Il courut, au contraire, chez Betty, afin de savoir ce qui s'était exactement passé entre elle et son frère. Betty le reçut de façon très froide. 
— Je n'ai rien à vous dire, monsieur, et si je puis me permettre, cependant, de vous donner un conseil, rentrez bien vite chez vous, comme vous le demande votre frère. Alors, Allan, avec la fougue de la jeunesse, se jeta à ses pieds, lui déclara qu'il l'aimait à la folie, et lui demanda de l'épouser. 
 Betty n'était pas femme à s'emballer aussi vite. Elle commença par ouvrir son cœur à Charles Thorne, lui raconta les insultes dont Mark Stone l'avait abreuvée, et lui parla aussi de ce qu'elle considérait comme une grande plaisanterie : la proposition de mariage d'Allan. 
— Mais, ce serait une merveilleuse revanche à tirer que d'épouser Allan et d'exiger ensuite cinquante mille dollars de la famille pour abandonner la place. 
 Betty commença d'abord par rire de cette proposition, puis à la réflexion, elle finit par la prendre au sérieux. Et, quelques jours après, elle couronnait la flamme d'Allan Stone en l'épousant. 
 Lorsque le jeune couple arriva à la maison des Stone, ce fut presque une révolution. Betty se rendit compte immédiatement qu'elle était tout à fait déplacée dans ce milieu. Le diable était en vacances à la campagne et une singulière lune de miel allait commencer. Mark, son beau-frère, lui était ouvertement hostile, mais le père David Stone persistait à croire qu'après tout il y avait peut-être encore quelque chose de bon dans cette femme que son fils Allan avait amenée à la maison. David Stone était un spécimen de puritain ayant un idéal très élevé et des principes ultra-rigides. Malgré sa bonne volonté du début, il ne tarda pas à s'apercevoir que cette manucure de la ville était tout à fait incapable de vivre parmi eux, et il se rangea à l'opinion de Mark. Un jour, enfin, il ordonna à Betty de quitter la maison et lui demanda quelle somme elle désirait pour cela. 
— Cent mille dollars, répondit froidement Betty.
On lui versa la somme et elle retourna à la ville, où elle commença une nouvelle vie, entourée de joyeux amis. 
Elle était maintenant à la veille de partir en voyage pour Paris. Charles Thorne venu lui faire ses adieux s'aperçut avec étonnement du changement qui s'était opéré en elle. Sa sérénité passée avait disparu et elle se montrait dans un état nerveux tout à fait inquiétant. Charles, d'ailleurs, était à peine arrivé, ce soir-là, au milieu de la fête, qu'on annonça David Stone. Ce fut une stupeur. Betty refusa de le voir sans témoins, et lui, de son côté, refusa de donner la raison de sa visite. 
Après son départ, l'inquiétude de Betty ne fit qu'augmenter. Peut-être Allan est-il malade, et son père venait-il lui donner de ses nouvelles, pensa-t-elle ? 
— Allons, avouez que vous aimez cet Allan, dit Charles, qui était resté près d'elle. 
— Eh bien, oui. Je l'aime maintenant que j'en suis séparée. Quelque temps après, Betty se décida brusquement à se rendre chez les Stone, et elle vendit tout ce qu'elle possédait de façon à pouvoir rembourser les cent mille dollars qu'elle avait exigés pour quitter Allan. 
David ne voulut pas la recevoir. Allan rentrait justement à ce moment-là. Il voulut se libérer du grand doute qui l'obsédait. 
— Est-ce exact, lui cria-t-il, que vous avez exigé cent mille dollars pour quitter cette maison? 
— C'est exact, Allan, mais pardonnez-moi, je venais justement aujourd'hui pour réparer cette mauvaise action. 
Elle avait à peine achevé cette phrase qu'Allan s'évanouissait, terrassé par une attaque foudroyante. 

Tous se penchaient maintenant, anxieux, sur le corps pantelant, épiant le moindre indice de vie. 

Betty en éprouva un violent chagrin, qui prouva à tous le changement qui s'était opéré en elle et son amour sincère pour Allan. David lui pardonna. Le choc de l'émotion subi par Allan devait d'ailleurs avoir un effet salutaire, et lorsqu'en s'éveillant il vit Betty à ses côtés, il lui prit la main et la porta avec amour à ses lèvres. Elle était pardonnée, un avenir heureux allait s'ouvrir désormais dans la maison des Stone. 






Ciné-Miroir, n°293, 14 novembre 1930. 






mardi 20 février 2024

NOTRE COUVERTURE : Thomy Bourdelle / Ciné-Miroir, n° 275, 11 juillet 1930


Un jour que l'on questionnait Thomy Bourdelle sur ses débuts dans la carrière cinématographique, il répondit avec humour: «Oh! moi, je suis venu au cinéma... par la guillotine !» Il débuta, en effet, dans le rôle du bourreau de Jocelyn. Il avait eu la chance d'être présenté en cette occasion à Léon Poirier, et il faut croire que l'artiste débutant ne fit pas mauvaise impression au metteur en scène, car, depuis, Thomy Bourdelle a tourné, sous la direction de Léon Poirier l'Affaire du courrier de Lyon, Geneviève, La Brière, Verdun visions d'Histoire et, enfin, Caïn. Pour cette production, Thomy Bourdelle a vécu six mois dans la brousse malgache, à Madagascar, et il se déclare enchanté de son séjour dans la grande île.

« Au reste, ajoute-t-il, je me félicite tous les jours d'avoir connu Léon Poirier, qui m'a toujours admirablement conseillé et soutenu. Je pense, à l'instar de beaucoup d'autres, qu'il est à classer dans les tout premiers réalisateurs du monde entier et souhaite travailler avec lui le plus souvent possible. » Thomy Bourdelle fut encore un des principaux artistes de Surcouf, de Jean Chouan, des Fiançailles rouges, du Martyre de sainte Maxence, de la Divine Croisière. C'est un des meilleurs artistes de composition du cinéma français. 

R. M.




lundi 19 février 2024

Un Grand Acteur de Composition - THOMY BOURDELLE. / ÈVE n°603, avril 1932.


Nous allons revoir Fantômas à l'écran, un Fantômas sonore et parlant, un Fantômas revu, corrigé et modernisé, pourrait-on dire. C'est Thomy Bourdelle qui joue le rôle de Juve, l'éternel adversaire du bandit qu'on ne voit jamais et qui sème cependant la terreur et la mort autour de lui. 


L'énergique physionomie de Thomy BOURDELLE 
ne passe pas inaperçue à la ville. 


Le regretté René Cresté avait joué ce rôle au début du cinéma et y avait acquis une popularité immense. Le choix de Thomy Bourdelle, pour interpréter aujourd'hui le même rôle à quelque quinze ans d'intervalle, est fort heureux. Nul acteur de chez nous ne pouvait prêter un relief plus saisissant à la silhouette de ce policier Juve dont les aventures nous émerveillent et nous passionnent dans l'œuvre célèbre de Pierre Souvestre et Marcel Allain. 

 ❖ ❖ 

En 1913, au concours de l'athlète complet qui réunissait la fleur de la jeunesse française, une des places d'honneur fut prise par Thomy Bourdelle. Thomy Bourdelle, neveu du grand sculpteur, avait alors pour ambition de devenir artiste lui-même. A l'École des Beaux-Arts, il peignait et taillait dans le marbre, puis il partit pour Reims, au collège d'athlètes fondé par Hébert et le marquis de Polignac dans le magnifique parc Pommery. La guerre devait l'y surprendre. 


Une scène de "Fantômas"avec Thommy Bourdelle 




Thomy BOURDELLE dans le rôle du policier Juve, le terrible adversaire de Fantômas. 


Au retour des armées, Thomy Bourdelle. laissa tomber le ciseau et le maillet et chercha sa voie. 
« Je suis entré au cinéma par la guillotine, a-t-il dit. C'est en effet dans le rôle du bourreau de Jocelyn que j'ai débuté dans la carrière. J'avais eu la chance, en cette occasion, d'être présenté à Léon Poirier avec qui je devais ensuite tourner L'affaire du courrier de Lyon, Geneviève, La Brière, Verdun, visions d'histoire, et enfin Cain. Entre temps j'ai tourné une dizaine de films, dont Surcouf, Jean Chouan, Les fiançailles rouges, La divine croisière. » 
Je vous passe les espoirs et surtout les déceptions des débuts de ma carrière. Mais je ne me suis jamais dégonflé parce que j'avais la foi et peut-être aussi parce que, étant un fervent de la boxe et du rugby, j'avais l'habitude d'encaisser. 
Les créations de Thomy Bourdelle furent toujours fort remarquées et personne n'a oublié la silhouette d'officier allemand qu'il campa dans Verdun, visions d'histoire. Courageusement il a gravi l'échelle, il a rencontré de grandes, de vraies difficultés sur sa route et cependant il a persévéré. 
Entre temps, il jouait au rugby comme pilier dans une équipe du Racing-Club de France. Son aspect hirsute (la plupart du temps il remplissait des rôles barbus) effrayait quelque peu l'adversaire. Souvent nous entendîmes: « Quel est cet homme des bois ?» Mais le métier d'artiste de cinéma ne peut se concilier avec les yeux au beurre noir ou les arcades sourcilières fendues. Thomy Bourdelle, bien à regret, dut quitter l'arène de ses exploits sportifs ! 
Il trouva sa voie avec Cain. Léon Poirier, pour s'exiler dans l'îlot admirable de Nossi-Bé, y établir son « camp de cinéma », s'était mis en quête de partenaires de grande allure. « L'homme révolté» ne se concevait que puissant, avec des traits marqués par la fatalité et, en même temps, assez façonné par les jeux du stade pour ne pas craindre de se montrer à peu près nu. 

Thomy BOURDELLE à Nossi-Bé tournant « Caïn »





Thomy BOURDELLE dans Verdun, visions d'histoire. 

Avec Thomy Bourdelle, avec Rama Tahé, Poirier disposait d'irremplaçables interprètes. La stature de l'un, la ligne de l'autre. pouvait-on mieux trouver en Europe? 
Le film fut dur à réaliser. Une chaleur étouffante, de longues stations en plein soleil, tête nue, un climat magnifique et déprimant qui n'incitait guère à de violents efforts. Mais la petite troupe de Cain avait résolu de produire une grande chose, de tirer le maximum des circonstances, de vaincre, en un mot, dans cette bataille. 
Thomy Bourdelle nous a confié que, dans le combat singulier qu'il livra avec un noir splendide, et qui est un des clous du film, les choses ne se passèrent pas tout à fait ainsi qu'on avait pu l'envisager. Aux répétitions, le lutteur malgache se laissait tomber, comme l'exigeait le scénario, au bout de quelques minutes de corps à corps acharné (par 45° à l'ombre). Le jour de la prise de vues, ce protagoniste, orgueilleux et naïf, ne voulut plus se laisser faire ! Un véritable assaut, sous l'œil de l'appareil, s'engagea alors, dont la sincérité cinématographique était indéniable, mais qui plaçait notre champion, déjà fatigué par la température, en assez difficile situation! La lutte se prolongea, épuisante et brutale. Finalement, pour mettre à la raison un adversaire qui ne voulait plus rien savoir pour toucher des épaules, Thomy dut avoir recours à une prise de jiu-jitsu. L'indigène, bras tordu, se sauva alors en criant. 

 ❖ ❖ 

Au retour de Madagascar, Thomv Bourdelle tourna coup sur coup deux films aux studios Paramount de Joinville, A mi-chemin du ciel et Le Rebelle. Sa carrure athlétique, son masque énergique, parfois brutal, semblent le destiner éternellement aux rôles qu'on appelle communément en Amérique « les villains ». Dans A mi-chemin du ciel, il incarne le ténébreux acrobate dont la jalousie sauvage cause la mort de son partenaire. 

Thomy BOURDELLE et Janine MERREY dans une scène de « A mi-chemin du ciel ». 


Thomy Bourdelle n'oublie pas qu'il a pratiqué tous les sports et qu'il constitue le type le plus accompli de l'athlète complet. Il exécute, dans A mi-chemin du ciel, de véritables prouesses acrobatiques, dignes du meilleur des professionnels, et son audace fait frémir, de même que sa brutalité, férocité froide font frissonner.

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A un journaliste qui venait l'interviewer à propos de son rôle dans Le Général et qui s'étonnait de voir Thomy Bourdelle dans un beau costume sanglé, à taille, et portant des épaulettes d'or et la croix de Saint- Georges, le type de l'officier russe d'avant la révolution, Thomy Bourdelle, le protagoniste du Général, une des dernières réalisations de Paramount, ne put s'empêcher de s'écrier. 
- Qu'est-ce qui vous étonne, cher ami ? 
- Mon Dieu! fit l'autre un peu interloqué, j'ai dernièrement été voir le film de Léon Poirier, Cain, et j'avais pris l'habitude de vous voir nu, en plein air, portant une barbe de plusieurs mois et, au lieu de ce bel uni- forme, vous n'aviez pour tout costume qu'une sorte de pagne autour des jambes. 
- C'est vrai, convint l'acteur, on est habitué, depuis plusieurs années, à me voir jouer des rôles de sauvage, mais je vais vous faire un aveu, je me sens presque aussi bien dans ce costume de cosaque que sous les vêtements (si l'on peut appeler vêtement le pagne de raphia) de Caïn. J'ai peut-être eu des ancêtres russes, après tout, je vais rechercher dans la généalogie de ma famille. 
Les personnalités qui se trouvaient au studio et qui entendirent cette boutade ne purent s'empêcher de rire.

René STUDY. 



Thomy BOURDELLE photographié au studio entre Suzy VERNON 
et Marlène DIETRICH alors qu'il tournait « Le Rebelle».






ÈVE n°603, avril 1932



vendredi 9 février 2024

Thomy Bourdelle, Vedette Rugbyman.

FRANCE. - Thomy Bourdelle, rugbyman et vedette des films "Caïn" et "A mi-chemin du ciel". 

 

Revue Match l’intransigeant de 1930.










La Maison Dans La Dune de Pierre Billon (1934).

UN FILM DE QUALITE   La Maison dans la Dune  Un seul film nouveau cette semaine mais c'est un film français. Et de qualité. L'histoi...