NOS VEDETTES ECRIVENT
En tournant au pays de "Maria Chapdelaine"
par Thomy BOURDELLE
L'Océan de Cherbourg à Québec. Arrêt à Québec. Juste le temps d'acheter quelques paires de mocassins, des bottes canadiennes, des splendides chemises à carreaux et des blousons authentiques qui auraient un succès fou à Deauville ou à Juan-les-Pins, et en route.
A Dolbeau, nous tournons les premières scènes. L'usine à papier en est le cadre et Gabin l'acteur. Puis nous allons à Honfleur, par un dédale de chemins creux et embourbés. C'est là que se situe la maison de Maria. Samuel Chapdelaine et Esdras (votre serviteur) « font de la terre ». c'est-à-dire qu'ils brûlent un coin de bois, déracinent les troncs et les souches et défrichent le sol pour l'ensemencer. A ce travail, on prend chaud, très chaud même. Ajoutez que les moustiques ne nous épargnent guère et vous comprendrez l'état d'esprit du bûcheron qui trime ainsi dans la forêt. C'est biblique !
Plus touristiques ont été les prises de vues sur les grands lacs et les rapides. C'est d'abord le canoë indien d'écorce de bouleau que chacun manie, au bout de quelques séances, comme un autochtone. Puis le lac incite au bain réparateur et les truites abondent. Nous tournons sur le grand lac Saint-Jean et les rapides environnants les scènes du début du film ainsi que toute la partie se rapportant aux Belges dans leurs tractations avec François Paradis.
A Péribouka, nous nous mélangeons intimement aux Canadiens qui figurent d'ailleurs nombreux dans les scènes de village. Nous avons l'occasion de remarquer combien est grande l'influence du curé tout comme aussi nous nous plaignons un peu de la frugalité et de la monotonie des repas qui nous sont servis.
Ce n'est pas de la grande cuisine, ni même de la cuisine simplement bourgeoise. C'est juste de quoi se sustenter pour tenir le coup !
A Montréal, nous tournons les scènes se rapportant à Lorenzo, l'homme de la ville. J.-P. Aumont montre à Maria (Madeleine Renaud) les beautés et les grandeurs de la ville. Les opérateurs adroitement embusqués prennent des scènes d'une vérité étonnante. Il est certain que Maria doit être ébaubie quand elle compare le paysage lunaire de son pays d'Honfleur (Canada) avec le modernisme tout américain des rues de Montréal.
Cela vous a une couleur folle, qui fait bien augurer du film. Toute la troupe de « Maria Chapdelaine ». son animateur Julien Duvivier, en tête, gardera, comme moi, un impérissable souvenir de son beau voyage.
Thomy Bourdelle