mardi 27 décembre 2022

Thomy Bourdelle dans LE REBELLE d'Adelqui Millar - 1931.

Le Rebelle (The Rebel) est un film français dramatique réalisé par Adelqui Migliar, sorti en 1931.  

Une jeune étudiante séduit un général russe pour qu'il épargne son mari déserteur. 

Distribution :
Thomy Bourdelle : Général Platoff 
Suzy Vernon : Maria Ivanovna 
Paule Andral : Alexandra 
Pierre Batcheff : Lt. Boris Sabline 
Henry Prestat : un jeune Général 
Frédéric Mariotti : l'ordonnance 
André Rehan : Spoliansky 
Jeanne Brazine : la Chanteuse 
Georges La Cressonnière : le lieutenant Glinka

 






















Fiche technique 

Titre : Le Rebelle 
Titre alternatif : Le Général 
Réalisation : Adelqui Migliar 
Scénario : Martin Brown, Louise Long, Benno Vigny d'après une pièce de Lajos Zilahy 
Photographie : Philipp Tanura 
Production : Les Studios Paramount 
Distributeur : Société Anonyme Française des Films Paramount 
Durée : 85 minutes 
Date de sortie : 3 juillet 1931 


samedi 14 mai 2022

"C'est d'ailleurs moi l'ami Tim." Thomy Bourdelle pour L'Écho d'Oran, 30 mars 1932.

Un critique cinématographique a appelé Thomy Bourdelle le Bancroft de l'écran français ». Cette appellation sera véritablement justifiée quand on verra « Mon ami Tim », où l'excellent artiste interprète, aux côtés de Jeanne Helbling, un rôle de marin, à la fois brutal et doux, capable de déchainer une bagarre pour un motif futile, comme de risquer sa vie sans la moindre hésitation pour un ami. 

Quelques minutes avec... Thomy Bourdelle 

Thomy Bourdelle. l'inoubliable soutier du « Cain » de Léon Poirier, a repris le maillot de laine bleue et la casquette marine pour le rôle qu'il interprète actuellement dans « Mon ami Tim », aux Studios de Billancourt.

Bâti en athlète, des yeux clairs dont le regard doux contraste avec la voix rude, une vigueur tranquille mêlée à certaine nonchalance, Thomy Bourdelle représente admirablement le « gars de la mer ». 

 — Oui. répond-il à notre question, J'interprète : dans Mon ami Tim — c'est d'ailleurs moi l'ami Tim — le rôle d'un scaphandrier, grand coureur de filles et bon camarade, qui s'interposera entre un jeune compagnon — en l'occurence Frank O'Neil — et une femme. C'est le thème toujours émouvant de l'amitié chez ces êtres frustes et frères devant le danger : les marins ». 

Thomy Bourdelle fait des raccords, en même temps qu'il tourne Mon ami Tim, pour le Fantômas de Paul Féjos, où il incarne Juve. 

Comme il joue l'un des rôles rasé et l'autre avec moustaches, on le voit passer d'un « set » à l'autre suivi d'un maquilleur armé d'un pinceau et d'une fiole de vernis et flanqué d'une habilleuse qui le transforme de scaphandrier, en policier et vice-versa. 

L'autre nuit, après avoir couru après Fantômas pendant dix heurtes d'horloge, il enchaînait au matin, en revêtant l'énorme carapace du scaphandrier, pour une scène de plongée qui sera un des clous de Mon ami Tim. Ceci se passait sur les quais de Billancourt, la plongée devant s'effectuer dans la Seine. Comme on lui demandait s'il avait sommeil, il répondit que l'eau fraiche le réveillerait certainement et, en matière de conclusion : « Ah ! une bonne partie de rugby ; dimanche remettra tout cela en place. » Car aux approches de la quarantaine, Thomy Bourdelle ; est encore un sportif acharné et pratique notamment la boxe, le rugby, la natation. 


Nous demandons à l'artiste quelques détails sur ses débuts. 

 — Oh ! cela remonte déjà à bien des années. ! J'avais commencé le cinéma en 1920, avec Léon : Poirier, dans Jocelyn. où je jouais le rôle de bourreau. Devenu l'assistant de Léon Poirier, Je fus également l'interprète de son officier allemand dans Verdun, visions d'Histoire et je repris le même rôle dans la version nouvelle qu'il réalisa dernièrement. Caïn me donna aussi l'occasion d'une création passionnante et d'un fort beau voyage. Enfin, tout récemment. ! j'ai tourné dans Le Rebelle, Camp-Volant, Tumultes

« ...Des projets ? Rien de précis encore. Je tournerai sans doute à nouveau avec Léon Poirier dans quelques mois... »  

Et Thomy Bourdelle nous quitta pour retourner dans le décor où l'on réclamait sa présence, c'est-à-dire dans une chambre décorée à profusion des souvenirs qu'un marin glane au hasard des croisières : éventails, fétiches, portraits de femmes.


- S. S.

L'Écho d'Oran 30 mars 1932




vendredi 13 mai 2022

Le Bancroft français, Thomy Bourdelle - Paris-midi / 7 mai 1932.

 Le Bancroff français.

Grand, large d'épaules, le corps musculeux, Thomy Bourdelle réalise bien le type de l'acteur moderne entrainé à la pratique de bien des sports. 
 C'est du reste un athlète complet. 
 Le premier metteur en scène qui lui fit tenir un rôle vraiment intéressant, — car vers 1922 il avait déjà paru à l'écran dans L'Aiglonne, — l'engagea précisément à cause de ses qualités physiques : Léon Poirier lui confia un rôle de bourreau dam Jocelyn. Demi-nu, le masque grimaçant animé d'une joie cruelle, Bourdelle parut une parfaite incarnation du génie du mal. 

Bourdelle le bourreau torse nu de Jocelyn

Depuis ce peut rôle, cet artiste a fait son chemin. Il a interprété plus de vingt films muets. Le Courrier de Lyon, Geneviève, La Brière, Jean Chouan, Les Fiançailles rouges, La Divine Croisière, Verdun, visions d'Histoire... et près de dix films parlants: Les Vacances du diable. A mi-chemin du ciel, Le Rebelle, Camp-volant, Tumultes, Fantômas et Mon ami Tim. Malgré la diversité d'apparence de ses créations, presque toutes ont quelque chose de commun : elles, expriment la force. Tantôt c'est la force brutale du « traître », tantôt l'énergie du héros. 


Par son physique et son tempérament artistique, Thomy Bourdelle serait donc tout désigné pour camper des hommes semblables à ceux qu'incarne un Bancroft. .
— Ce serait mon plus cher désir, nous déclare Bourdelle. Mais, malheureusement en France, on ne semble pas beaucoup aimer ces types de bourrus sympathiques ; ou du moins la plupart des cinématographistes ne les aiment pas. Car le public, lui, court voir les films de Bancroft, de Jack Holt ou de Wallace Beery ». 
Comme nous demandons à Bourdelle quels souvenirs il a conservé de Paul Féjos, le réalisateur de Big house, qui le fit jouer dans Fantômas, il nous dit : 
 — Ce metteur en scène possède deux grandes qualités : il comprend le cinéma et il sait diriger un artiste. 
 « Or, contrairement à ce que certaines personnes pourraient croire, un artiste a toujours besoin d'être dirigé, car il ne se voit pas. Son jeu vraiment sincère peut paraître ridicule. Il lui faut quelqu'un qui surveille sa mimique et sa diction. Le plus mauvais service qu'on pourrait rendre à un acteur serait de lui dire : « Faites ce que vous voulez ». Soyez presque certain qu'il irait droit à un échec. 
 — Certains artistes déclarent que les artistes de théâtre conviennent, mieux au cinéma parlant que les interprètes de films muets. Qu'en pensez-vous ? 
 — Un bon artiste de théâtre réussira certainement au cinéma parlant ainsi qu'un bon artiste de cinéma muet. Mais l'artiste de cinéma muet possède en outre une expérience qui lui sert beaucoup : sa mimique a été très assouplie et il a appris l'art d'exprimer beaucoup avec le moins de moyens possible. Souvenez-vous comme le moindre clignement d'œil d'un William Hart était éloquent ! 
 — Vous regrettez donc le film muet ? 
 — Je l'avoue. Qui nous rendra ses belles scènes de plein air. son mouvement, sa vie ! . 


— Louis Saurel.
Le Bancroft français, Thomy Bourdelle 
Paris-midi / 7 mai 1932. 

jeudi 12 mai 2022

Thomy Bourdelle raconte son voyage aux Baléares ( Pour Vous n°225 / 1933 )

Je cherchais depuis une huitaine de jours quelqu'un qui voulût me parler des Baléares. Je rencontrai bien un homme, qui, pendant une demi-heure, me parla de Palma de Mallorca et de Formentor, comme s'il avait créé lui-même ces sites providentiels, mais s'en tint à cet exposé géographique et artistique et parut incapable de me dire comment on y vivait. 
J'eus l'explication de cette réserve lorsque je sus que mon interlocuteur n'était jamais allé aux lieux qu'il décrivait avec tant de pittoresque, mais qu'il dessinait des affiches pour une compagnie de navigation.


C'est alors que j'aperçus, un matin, Thomy Bourdelle près de la place Clichy. Je lui demandai d'où il venait. Il me répondit : 
« De loin. 
— Ah! fis-je, des studios d'Epinay ? » 
Il se mit à rire. 
« Non, des Baléares. » 
Si bien que je me mis à rire aussi. C'était l'homme qu'il me fallait. Lui, au moins, en ce temps où trop de gens parlent des îles et qui n'y sont jamais allés, pouvait en connaissance de cause me dire si réellement il y faisait chaud, si la vie ne coûtait rien, ainsi qu'on le prétend, et si, encore une fois, le snobisme des voyages ne s'apprêtait point à nous décevoir. 
Alors, Thomy Bourdelle parla ainsi : 
« Quittant Berlin où je terminais Le Docteur Mabuse, avec Fritz Lang — un bien grand metteur en scène, oui, monsieur — je traversai Paris, juste le temps de constater qu'avec ses huit degrés au-dessous, notre ville capitale ne battait pas le record de Berlin où l'on subissait quinze degrés au-dessous... 
— Et aux Baléares ? demandai-je. 
— J'y arrive. Vingt-quatre heures après, nous déambulions, mes camarades et moi, sur la Rambla aux fleurs, à Barcelone, pardessus au vestiaire, mains dans les poches, veston ouvert, vingt et un degrés à l'ombre, au-dessus, cette fois. C'était d'ailleurs dommage...
— Pourquoi ?
— Parce que l'on s'y battait en plein air. L'émeute grondait comme on dit dans l'histoire. S'il avait fait plus froid, les insurgés se fussent peut-être battus chez eux. 
« Nous admirâmes cependant, nos passeports tenus à la main, les boulevards bordés de palmiers que la République a débaptisés et dont l'un porte le nom de « Diagonal Paralelo », ce qu'on ne voit tout de même pas partout, et un autre de « Boulevard de la Paix », ce qu'on rencontre plus souvent. Enfin, au cours de la nuit, un vapeur nous prit à son bord et le lendemain Palma nous accueillit. 
« Ravissement. Sans présenter le charme exotique ni l'ambiance tropicale de Nossi-Bé, Palma de Mallorca, bien abritée des vents dans une côte admirablement découpée, exposée en plein midi, dotée d'un climat idéal, justifie pleinement sa réputation d'île du soleil... 
— Les maisons ? dis-je. 
— Admirables. Médiévales et romantiques, avec des patios mystérieux, des reliques, des châsses d'or, des tryptiques naïfs, des statues ornées de pierreries précieuses... 
— Les habitants ? 
— Exquis. Ils vous demandent dix fois par jour ce que vous voulez manger... 
— Et ils vous le donnent? » 
Une hésitation. 
« Ils font ce qu'ils peuvent. 
— Les hôtels ? 
— Ils font aussi ce qu'ils peuvent. A Palma, on vit au dehors. J'imagine que beaucoup de gens y couchent aussi. On ne pense pas qu'à se coucher lorsqu'on est en voyage. 
— Et la vie ? 
— Très bon marché. J'ai rencontré un couple de Français qui depuis 1918 vivent là de leurs rentes avec cinquante francs par jour. 
— Petits rentiers. 
— Non : gros capitalistes. 
— On m'a raconté qu'à Palma, lorsqu'on demandait l'heure à un Mallorcain, il vous offrait sa montre ! 
— N'écoutez pas tous les potins et achetez-en plutôt une à Paris. 
— Les distractions ? 
— Charmantes. Il y a des music-halls très bien fréquentés où les danseuses vous saluent en relevant leur robe par-dessus leur tête. Et elles n'ont pas toujours de culotte. Cela ne les empêche pas d'ailleurs de ne point faire un pas sans être accompagnées de leur père ou de leur mère. 
— Les étrangers ? 
— Des Anglais. Les mêmes que partout. Un plaid sur l'épaule et un livre à la main. Ils ont regardé une fois le paysage, en arrivant. Maintenant, c'est fini. Ils hivernent. Ils sont extrêmement différents des gens du pays qui, eux, passent plutôt leur temps à se promener et à se faire cirer... » 

Ainsi se termina l'interview sur Palma de Mallorca, mais je m'en voudrais maintenant de ne point vous dire ce que Thomy Bourdelle allait y faire. Il n'était point là en touriste. Dès le lendemain de son arrivée, Serge de Poligny, metteur en scène d'un film mystérieux l'embarqua sur un bateau policier, le Mendoza, en lui affirmant qu'il en était le commandant. 
Alors, en compagnie de Jean Gabin, d'Aimos et de Labry, il poursuivit sans trêve, sur la mer complice, les forbans de l'Etoile de Valence : les Amiot, les Sergeol, les Joë Alex, qui naviguaient sous le pavillon des pirates. 

Retour des Baléares. A bord du navire : Bourdelle, le metteur en scène Serge de Poligny et Jean Gabin.

J'aimerais vous dire ce qu'il advint de Brigitte Helm, héroïne du film. Mais je n'en sais rien. Thomy Bourdelle m'affirma que l'histoire demeurait un secret qui n'appartenait qu'à Serge de Poligny. N'insistons pas. On ne gagne rien à connaître à l'avance les sujets des films. Celui-là, étant donné ce que nous savons, contiendra des courses et des combats, en mer, des effets de vagues et de soleil, des flamincos et des fandangos, et, naturellement, de l'amour. 
Et nous pourrons ensuite parler des Baléares sans y être jamais allés, ce qui rendra service à beaucoup de voyageurs en peau de lapin — comme dirait M. Herriot. 

Boisyvon 
Pour-Vous : L'hebdomadaire du cinéma. (n°225 / 1933).






mercredi 11 mai 2022

BOURDELLE DANS LES FIANÇAILLES ROUGES de Roger Lion 1926.



 
LES FIANÇAILLES ROUGES Film de Roger Lion Scénario de G. Spitzmüller et Laurence Arnold. C’est un drame horrible, mais traité sobrement, et avec une grande intensité. Le cadre en est la Bretagne et la mer. 



Un ivrogne brutal, Jean Lardic, abandonne sa femme Louise, et son enfant, et part à l'aventure. Muni de faux papiers, il se fait embaucher par une fermière, AnneMarie, jeune veuve et mère de la jolie Jeannick.






Il parvient à se faire épouser par cette femme, et aussitôt, il se livre à la boisson et à la paresse. 
Jeannick, pour échapper à ses assiduités, s’enfuit à Douarncnez et s’emploie dans une jardinerie. Elle y rencontre Louise, la première femme de son beau-père, qui soigne un enfant malade. Elle y rencontre aussi Pierre Le Meur, un brave garçon, avec qui elle s’accorde si bien, qu’on célèbre bientôt leurs fiançailles. 








Après la cérémonie. Jean Lardic surgit chez la jeune fille et l’assaille brutalement. Et c’est sa femme Louise, affolée par la mort de son enfant, qui fait justice de ce drôle, et le poignarde. 

Cette œuvre émouvante est interprétée par Gil-Clary. Colette Darfeuil, Thomy Bourdelle, et par Dolly Davis. 
La Gazette du franc, 5 mars 1927.





Lardic, la brute avinée, c'est Thomy Bourdelle. Le rôle était relativement aisé. Mais Bourdelle, dédaignant les effets faciles, a joué son personnage en véritable tragédien. Il a su graduer l'intérêt dramatique du personnage et du drame et ses scènes de la fin ont été empreintes d'une magnifique violence.
Cinéa-Ciné pour tous, n°79, 15 février 1927







mardi 10 mai 2022

EN BRIÈRE AVEC LÉON POIRIER & THOMY BOURDELLE.

COMMENT UN METTEUR EN SCÈNE TIRE PARTI DES ÉVÉNEMENTS.

Il ne suffit pas, pour composer un film qui entreprend de nous faire connaître l'âme d'un pays, de se promener dans ce pays avec un appareil de prise de vues et d'enregistrer quelques bobines de pellicule. 
Il faut, avant tout, essayer de connaître ce pays. 

Léon Poirier est un homme qui a apporté au cinéma des buts précis. Il sait ce qu'il veut atteindre. Quand il a fait Jocelyn et Geneviève, il ne s'est pas contenté d'illustrer l'oeuvre de Lamartine, il l'a animée, et l'on peut dire qu'il a composé une œuvre personnelle, inspirée par Lamartine. 

Aujourd'hui, Léon Poirier transpose à l'écran La Brière, le roman d'Alphonse de Chateaubriant. 
Il n'y a pas très longtemps que je sais ce qu'est la Grande Brière. On m'avait dit : " C'est un marais. " Il y a des gens qui se contentent de mots tout faits. 

La Grande Brière n'est pas seulement un marais, c'est un désert de roseaux, de nénuphars et de tourbe. C'est une étendue d'eau noire et de lagunes vertes. Quand on est au milieu et qu'on voit autour de soi le cercle des collines lointaines, on ne sait pas si le monde recommence de l'autre côté. 

La Grande Brière s'étale au nord de l'estuaire de la Loire. Quand on regarde vers le sud, on aperçoit un gril de cheminées. Ce sont les forges de Trignac, mais cela semble au delà de l'horizon, les fumées s'évanouissent dans l'air sans tacher le sol briéron. 

C'est au cœur de ce pays que Léon Poirier a tourné son film. Léon Poirier est un audacieux. Pour Geneviève, il s'est enfoui sous la neige; pour La Brière, il s'est enseveli dans un marécage. Que les amateurs de belles images vivantes lui soient reconnaissants ! 

Or, pour tourner La Brière, il fallait faire jouer les Briérons. Dans nos banlieues policées, il est relativement facile d'obtenir l'aide du pays dans lequel on tourne. On ne peut se plaindre que d'une chose, c'est d'avoir trop de figurants. 

En Brière, il semble que le cinéma soit une manière de monstre inconnu.La Brière est civilisée, certes; sa ville principale : Saint- Joachim possède un " Café de la Mairie " et un téléphone qui fonctionne, mais Saint- Joachini n'est pas la Brière, c'est un bourg en Brière, ce qui n'est pas la même chose. 

Léon Poirier entreprit de faire venir à Saint- Joachim les paysans du marais. Il avait besoin d'eux pour tourner un ensemble. Habitant le pays depuis plusieurs semaines, il avait appris à connaître les habitants, il avait apprécié leur méfiance. Quand on demande quelque chose à un Briéron, il faut qu'il sache pourquoi.


M. Bourdelle, le régisseur, qui est bien plus un secrétaire d'ambassade qu'un régisseur, fit imprimer des affiches annonçant que, le dimanche et le lundi de Pentecôte, seraient données des fêtes en l'honneur de la Brière, à Saint-Joachim. Il y aurait un concours de voitures fleuries, un concours de coiffes, un bal et une course de chalands sur les canaux du marais. Le tout doté de mille francs de prix. 

Pendant huit jours, une publicité active fut donnée à ces réjouissances. Les affiches se voyaient un peu partout, et les journaux locaux se firent un plaisir d'être agréables au metteur en scène. Un joli soleil se déclara partisan de la fête. Le soleil est un dictateur capricieux, qu'il faut toujours avoir de son côté quand on est metteur en scène. Il offrit son concours à Léon Poirier et, le dimanche de Pentecôte, il illumina la petite place de la Mairie de Saint-Joachim, où près de vingt-cinq personnes peuvent tenir à l'aise. 

M. Léon Poirier arriva avec Mme Jeanne- Léon Poirier, ses opérateurs, son assistant, M. Bastia, ses artistes, Mlle Myrga, Mma Marie Laurent, Lacroix, MM. Tallier et José Davert. Quand il vit la rue remplie demande, il se félicita de son ingénieuse idée. 

Ce ne fut qu'eu moment de tourner qu'il se sentit inquiet. Certes, sa fête avait du succès, on était venu de partout : de Nantes, de Saint- Nazaire, de Guérande et du Croisic. On voyait un petit train se débarrasser d'une foule amusée, des bicyclettes sillonner la chaussée qui traverse la Grande Brière. On ne pouvait compter les casquettes de touristes, ni les chapeaux des dames de la ville, mais on ne voyait pas de Briérons. Les coiffes apparaissaient comme des points essaimés et rares dans une foule anonyme, les beaux châles brodés se perdaient dans la monotonie des costumes modernes, rien de tout cela n'était pittoresque, ni imprévu. 

Il fallait pourtant aboutir. On n'organise pas deux fois des cérémonies aussi complètes. 
Léon Poirier appela Bourdelle :
— Cherchez-moi des Briérons et des Briéronnes ! dit-il. 

Oh ! Bourdelle en trouva. Un régisseur trouve toujours ce qu'on lui demande, c'est une sorte de Dieu, créateur de l'impossible. 

Il plongea dans la foule et, chaque fois qu'il émergeait pour respirer, il ramenait avec lui une coiffe ou un chapeau rond, une Briéronne ou un Briéron craintif, qui acceptait de rester sur la place de la Mairie, devant laquelle un barrage était établi pour qu'il n'y eût pas d'évasion. 

Il ramena des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux, qui se groupèrent sans enthousiasme, pendant que tous ceux qui avaient pu échapper à ses mains s'enfuyaient vers des lieux inaccessibles. 

Et ce fut ainsi que, sous l'œil des objectifs, commença le concours de coiffes. 

Vous en avez ici un gracieux échantillon. Les Briéronnes sont peut-être un peu timides, mais elles sont charmantes, elles ont grande allure dans leur costume sévère, où seul le châle met ses broderies gaies. Les hommes sont âpres et sévères : visage fermé, grands et solides, séchés par le soleil et durcis par le vent.

Léon Poirier trouva là de bons éléments pour son œuvre, et nul mieux que lui ne sut en profiter. L'art du metteur en scène est de compter dix avec un, de tirer le meilleur parti de tout, de savoir être patient et résigné, de réagir avec promptitude. Voilà pour les qualités intellectuelles. 

Mais la grande qualité morale qu'il doit posséder est, avant tout, le sens du beau. Il doit sentir en quoi réside la beauté d'une chose inerte ou d'une chose vivante, il lui faut dégager la beauté originale d'un ensemble banal de tableaux. 

Dans cette foule disparate et imprévue, je crois bien que Léon Poirier a discerné facilement ce qu'il lui fallait prendre. Vous verrez, sans doute, comment les images d'un film peuvent être différentes des photographies que je vous livre, mais il fallait bien vous les montrer pour que vous jugiez la difficulté de l'effort, qui n'est pas seulement quotidien, mais de toutes les minutes.

X.X.X.

Ciné-Miroir, n° 55, 1er août 1924







lundi 9 mai 2022

PARAMOUNT : A mi-chemin du ciel - Le Figaro 14 juin 1931.

Ce film, comme Salto Mortale, tend nos nerfs à l'égal d'une corde de trapèze. 
Nul terrain n'est plus propice au drame que la piste d'un cirque : des psychologues y introduisirent les clowns, pour faire passer le public de l'émotion au rire. Dans A mi-chemin du ciel, ne se glisse nul intermède comique ; l'action passe du tragique au sentimental, puis revient au tragique. 


 Jim (Thomy Bourdelle) est la figure du destin, tenant en sa main la vie de ses compagnons, vie sentimentale de l'une, vie réelle de l'autre. Son amour contrarié lui fera oser le pire : il précipite dans la mort son partenaire jalousé qui, avant de s'écraser sur le sol, laisse aux poignets criminels la trace de ses ongles, stigmates sanglants dé cette passion. 


Greta Nelson (Janine Merrey) peut tout craindre pour celui qu'elle aime et que le sort pare du maillot étincelant de la victime de Jim ; les corps suspendus dans le vide rythment plus vite, plus vile encore, le battement de nos cœurs. Et la forêt où erre Greta, hantée par la mort de Tony, où s'accroche à chaque branche, trapèze fleuri, un acrobate scintillant, semble la forêt du Roi des Aulnes, peuplée de fantômes bondissants et légers. Il faut tout le talent de Moreno pour assumer une fois de plus un rôle ingrat, pour la sauver du ridicule où sombrerait immanquable ment une artiste médiocre. 


Eric Lintz (Jean Mercanton), est un enfant terrible que nous souhaiterions de fouetter s'il n'avait ce ravissant petit visage, si nous n'étions certains qu'il fallut beaucoup d'efforts pour placer dans celle bouche de petit garçon sage des mots aussi notoirement incompatibles avec son regard ingénu.





Le Figaro, 14 juin 1931

Sensations d'un homme de 135 ans - Pour Vous ( 4 avril 1935 ).

« Mon colonel, bonjour ! » 
Ainsi interpellons-nous Thomy Bourdelle au cours d'une rencontre matinale. Mais n'allez pas croire que le brave colonel Fougas d’Edmond About a conservé son riche uniforme d’officier des chasseurs de la garde ! Non, c’est un élégant civil qui nous répond en souriant : « Fini, envolé ! dirai-je même. Et pourtant, je le regrette un peu cet Homme à l’oreille cassée. 
 Thomy Bourdelle, le colonel Fougas de « L’Homme à l’oreille cassée ».

Il me rappelle de si bons souvenirs des heures de travail avec Robert Boudrioz ! J'avoue que j’ai aimé ce rôle à l’égal de celui de Caïn, que j'avais tourné jadis avec Léon Poirier, quoiqu'il soit assez difficile de faire une comparaison entre ces deux personnages si dissemblables. Pour Fougas, ce qui m'a enchanté, c'est le côté si particulier qui se dégage de l’œuvre d’Edmond About, cette satire si fine qui traverse le ton humoristique de l’ensemble. Que voulez-vous ? Il est assez malaisé de se représenter sans fantaisies un homme qui aurait dormi pendant plus d'un siècle. Mais si cela était réel, je crois que ce malheureux transplanté ne pourrait pas être heureux, en raison des souvenirs qui ont peuplé sa première existence. Il est vrai qu’une seconde vie en perspective ne doit pas déplaire à un pseudo-décédé et que l’on peut toujours faire des projets d’avenir. » 
Thomy Bourdelle s’arrête un instant, puis il enchaîne sa pensée : 
« Les projets ? Tenez, c’est comme dans le cinéma : on en fait bien souvent et ils se réalisent bien rarement. 
« Mais — est-ce une réminiscence de Fougas ? — un personnage me tente : le brigadier Gérard, de Conan Doyle. Un projet ? 
« Chi lo sa ! » 


G. B. Pour vous, 4 avril 1935













LA CARRIERE DE THOMY BOURDELLE : L'ancien officier est devenu général - Cinémonde 1931.

Une des traditions les plus fâcheuses que le cinéma ait cru devoir emprunter au théâtre, c'est la détermination des genres, qui enferme les artistes dans des rôles forcément conventionnels. 
 Ceci s'excusait et s'expliquait sur le chariot de Thespis, lorsque les comédiens longeaient les routes, avec leur répertoire, leur coquette, leur ingénue, leur traître et leur amoureux, comme au temps de Fracasse ; l'écran offre aux réalisateurs et à leurs interprètes d'autres possibilités. Pourtant, on a eu tendance — et ceci nous vint, je crois, d'Amérique — a conserver ces étiquettes désuètes.
C'est un jour qu'heureusement, on arrive à secouer. Buddy Rogers, écœuré de ses rôles de jeune premier, par trop puérils, a résolument changé de camp et assumé dans un nouveau film, le rôle du personnage antipathique, que Pierre Louys prétendait indispensable à toute histoire qui se respecte... 

 Général dans l'armée russe

L'inverse se produit également... Thomy Bourdelle, que nous avions vu si ignoble dans À mi-chemin du Ciel, s'est transformé dans Le Rebelle en un homme d'une haute valeur morale... Cette conversion de Bourdelle au bien fut des plus rapides. Fielleux, sournois, lâche, brutal, odieux... l'ancien Voltigeur de l'espace est devenu, sous la direction d'Adelqui Millar, plein de dignité, de noblesse et d'autorité. Notre collaborateur Jean Robin vous a déjà, il y a quelques semaines, exposé la trame du Rebelle, qui met en présence trois personnages : une femme, deux hommes... Comment les classer, ces trois êtres, qui, parce qu'ils sont humains, sont complexes, pleins de contradictions, de luttes, de faiblesse, un homme jeune, un peu frêle, mal préparé au rude jeu de la guerre, sent, à l'heure du danger, tout son être qui renâcle devant la menace de mort. Il recule, il s'affole... Il est la bête aux abois, que la crainte, la rage désespérée aveuglent... 
C'est Sablin, le rebelle, à qui Pierre Batcheff a prêté son visage maladif et douloureux, ses yeux de fièvre, son masque inquiet... Sa femme veut le sauver... Il n'y a dans son cœur que de la piété... et le sentiment de son devoir, d'épouse... 
Mais elle est jeune, belle, passionnée. Elle a souffert. Ses nerfs sont épuisés.. Sur sa route se trouve alors, seul maître de son destin, l'homme qu'elle a rencontré trop tard, celui qu'elle doit aimer... Voilà pour Suzy Vernon, si mal utilisée souvent, un vrai rôle de femme, et qu'elle a su remplir...

Thomy Bourdelle à la ville...


C'est à Thomy Bourdelle que revenait la tâche d'incarner le général, puissant et pesant, un peu brutal et d'abord rude. 
Il lui fallait ne pas se laisser écraser par le costume du rôle... C'est un détail qui a plus d'importance qu'on le croit. La longue redingote : le bonnet d'astrakan des généraux russes sont lourds à porter... Thomy Bourdelle, avec sa belle stature d'athlète, a su donner une impression de force, d'aisance trapue et virile... Ses yeux clairs, aux prunelles transparentes, son visage aux reliefs accentués donnaient au personnage à la fois l'âge et le caractère slave qui convenaient...
Et puis, Thomy Bourdelle sait être un bel officier. On l'a vu dans Verdun visions d'histoire... et ce n'est pas seulement dans le film de Poirier qu'il a acquis cette assurance, cette sûreté «le ton et d'attitude dans tous les détails du commandement : Thomy Bourdelle fut officier pendant la guerre.. 
À l'armistice, au lieu de poursuivre les études interrompues à l'Ecole centrale, il fut amené, par Poirier, au cinéma, pour lequel il s'était passionné depuis les premières expériences. Il ne faut pas oublier que c'est à Poirier que nous devons cet artiste qui fut toujours son interprète préféré... Les premiers films de Bourdelle sont anciens, mais pas encore oubliés : Jocelyn, Jocaste, Le Courrier de Lyon, La Brière... Tandis que son metteur en scène et ami tourne en Afrique La Croisière noire, Bourdelle tourne plusieurs films pour les Cinéromans, notamment La Divine Croisière... Puis Cavalcanti. alors à ses débuts, lui confie un des rôles de composition de En Rade... C'est Cavalcanti qui, après Caïn, l'enrôlera sous la bannière Paramount... Tous ceux qui ont utilisé Thomy Bourdelle aiment à faire appel à lui, dès qu'un rôle s'offre dans la gamme très vaste de ceux qu'il peut interpréter. Caïn ne pouvant guère être considéré comme un film parlant, c'est dans Les Vacances du Diable que cet artiste fait ses véritables débuts devant le micro... Depuis, il y a eu, du même Cavalcanti, À mi-chemin du Ciel... Puis Le Rebelle, et depuis trois semaines. Bourdelle tourne, avec Max Reichman : Camp Volant... Encore un film de cirque... 
Mais nous pouvons attendre beaucoup du réalisateur D'Attractions et d'un tel interprète. 

M. G. 

Cinémonde, n° 146, 6 août 1931







La Maison Dans La Dune de Pierre Billon (1934).

UN FILM DE QUALITE   La Maison dans la Dune  Un seul film nouveau cette semaine mais c'est un film français. Et de qualité. L'histoi...