lundi 9 mai 2022

LA CARRIERE DE THOMY BOURDELLE : L'ancien officier est devenu général - Cinémonde 1931.

Une des traditions les plus fâcheuses que le cinéma ait cru devoir emprunter au théâtre, c'est la détermination des genres, qui enferme les artistes dans des rôles forcément conventionnels. 
 Ceci s'excusait et s'expliquait sur le chariot de Thespis, lorsque les comédiens longeaient les routes, avec leur répertoire, leur coquette, leur ingénue, leur traître et leur amoureux, comme au temps de Fracasse ; l'écran offre aux réalisateurs et à leurs interprètes d'autres possibilités. Pourtant, on a eu tendance — et ceci nous vint, je crois, d'Amérique — a conserver ces étiquettes désuètes.
C'est un jour qu'heureusement, on arrive à secouer. Buddy Rogers, écœuré de ses rôles de jeune premier, par trop puérils, a résolument changé de camp et assumé dans un nouveau film, le rôle du personnage antipathique, que Pierre Louys prétendait indispensable à toute histoire qui se respecte... 

 Général dans l'armée russe

L'inverse se produit également... Thomy Bourdelle, que nous avions vu si ignoble dans À mi-chemin du Ciel, s'est transformé dans Le Rebelle en un homme d'une haute valeur morale... Cette conversion de Bourdelle au bien fut des plus rapides. Fielleux, sournois, lâche, brutal, odieux... l'ancien Voltigeur de l'espace est devenu, sous la direction d'Adelqui Millar, plein de dignité, de noblesse et d'autorité. Notre collaborateur Jean Robin vous a déjà, il y a quelques semaines, exposé la trame du Rebelle, qui met en présence trois personnages : une femme, deux hommes... Comment les classer, ces trois êtres, qui, parce qu'ils sont humains, sont complexes, pleins de contradictions, de luttes, de faiblesse, un homme jeune, un peu frêle, mal préparé au rude jeu de la guerre, sent, à l'heure du danger, tout son être qui renâcle devant la menace de mort. Il recule, il s'affole... Il est la bête aux abois, que la crainte, la rage désespérée aveuglent... 
C'est Sablin, le rebelle, à qui Pierre Batcheff a prêté son visage maladif et douloureux, ses yeux de fièvre, son masque inquiet... Sa femme veut le sauver... Il n'y a dans son cœur que de la piété... et le sentiment de son devoir, d'épouse... 
Mais elle est jeune, belle, passionnée. Elle a souffert. Ses nerfs sont épuisés.. Sur sa route se trouve alors, seul maître de son destin, l'homme qu'elle a rencontré trop tard, celui qu'elle doit aimer... Voilà pour Suzy Vernon, si mal utilisée souvent, un vrai rôle de femme, et qu'elle a su remplir...

Thomy Bourdelle à la ville...


C'est à Thomy Bourdelle que revenait la tâche d'incarner le général, puissant et pesant, un peu brutal et d'abord rude. 
Il lui fallait ne pas se laisser écraser par le costume du rôle... C'est un détail qui a plus d'importance qu'on le croit. La longue redingote : le bonnet d'astrakan des généraux russes sont lourds à porter... Thomy Bourdelle, avec sa belle stature d'athlète, a su donner une impression de force, d'aisance trapue et virile... Ses yeux clairs, aux prunelles transparentes, son visage aux reliefs accentués donnaient au personnage à la fois l'âge et le caractère slave qui convenaient...
Et puis, Thomy Bourdelle sait être un bel officier. On l'a vu dans Verdun visions d'histoire... et ce n'est pas seulement dans le film de Poirier qu'il a acquis cette assurance, cette sûreté «le ton et d'attitude dans tous les détails du commandement : Thomy Bourdelle fut officier pendant la guerre.. 
À l'armistice, au lieu de poursuivre les études interrompues à l'Ecole centrale, il fut amené, par Poirier, au cinéma, pour lequel il s'était passionné depuis les premières expériences. Il ne faut pas oublier que c'est à Poirier que nous devons cet artiste qui fut toujours son interprète préféré... Les premiers films de Bourdelle sont anciens, mais pas encore oubliés : Jocelyn, Jocaste, Le Courrier de Lyon, La Brière... Tandis que son metteur en scène et ami tourne en Afrique La Croisière noire, Bourdelle tourne plusieurs films pour les Cinéromans, notamment La Divine Croisière... Puis Cavalcanti. alors à ses débuts, lui confie un des rôles de composition de En Rade... C'est Cavalcanti qui, après Caïn, l'enrôlera sous la bannière Paramount... Tous ceux qui ont utilisé Thomy Bourdelle aiment à faire appel à lui, dès qu'un rôle s'offre dans la gamme très vaste de ceux qu'il peut interpréter. Caïn ne pouvant guère être considéré comme un film parlant, c'est dans Les Vacances du Diable que cet artiste fait ses véritables débuts devant le micro... Depuis, il y a eu, du même Cavalcanti, À mi-chemin du Ciel... Puis Le Rebelle, et depuis trois semaines. Bourdelle tourne, avec Max Reichman : Camp Volant... Encore un film de cirque... 
Mais nous pouvons attendre beaucoup du réalisateur D'Attractions et d'un tel interprète. 

M. G. 

Cinémonde, n° 146, 6 août 1931







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